Donald Trump sème le trouble sur le marché des grains
Les politiques de Trump perturbent les marchés agricoles mondiaux, tandis que la France mise sur la demande marocaine pour l’orge, avec un blé français vulnérable.
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Comme cela était présagé depuis son élection en novembre 2024, les décisions politiques de Donald Trump, généralement indépendantes des matières premières, créent de l’instabilité sur les marchés. La mise en place de taxes à l’importation contre les produits canadiens, mexicains ou encore chinois perturbera le fonctionnement actuel des échanges mondiaux en blé, maïs, soja ou encore colza. En France, le regain d’intérêt du Maroc pour l’orge fourragère nourrit certains espoirs. Le blé français est également sensible quant à sa capacité à trouver une place auprès de la demande.
Blé : le blé français devra convertir l’essai
Après presque un mois d’hésitation, les cours du blé parviennent à franchir de nouveau le niveau des 230 €/t rendu Rouen base juillet. Avec la réduction des volumes russes et une offre limitée en Ukraine, c’est au tour des origines européennes d’essayer de se distinguer.
Le manque de demande pour le blé français reste l’élément majeur de pression sur les cours. Dans un contexte d’offre réduite, les blés de l’hémisphère Sud gagnent également en compétitivité et en parts de marché. L’annonce d’une baisse des taxes à l’exportation sur le blé en Argentine à 9,5 % contre 12 % précédemment relance la crainte d’une forte concurrence des blés de l’hémisphère Sud.
Pourtant, les éléments d’inquiétudes à moyen terme sont bien présents, entre incertitudes climatiques et menaces géopolitiques. Dans l’attente des annonces de Donald Trump sur la mise en place de taxes à l’importation pouvant perturber le paysage du commerce des matières premières, les opérateurs se rappellent la tension sur le bilan mondial en blé. Les stocks de fin de campagne sont au plus bas chez les principaux pays exportateurs depuis 2013 à seulement 58 millions de tonnes.
Les regards s’orientent logiquement vers les risques qui planent déjà sur la récolte de 2025. En Russie, la baisse des surfaces de blé d’hiver est déjà un facteur limitant pour la future production. Les régions frontalières entre Ukraine et Russie sont également sujettes à une importante sécheresse depuis les semis. Aux États-Unis, la vague de froid qui a touché les régions productrices de blé d’hiver aurait pu avoir un impact sur près de 5 millions de tonnes de la production américaine. Enfin, les dégâts dus à l’excès d’eau en France seront à mesurer en sortie d’hiver.
Orge : la demande marocaine soutient la prime de l’orge à Rouen
L’orge française est la céréale qui réalise cette semaine la plus forte hausse. À Rouen, celle-ci progresse de + 12 €/t pour atteindre 214 €/t base juillet. Il faut souligner également que ce rebond lui permet de retrouver ses niveaux les plus hauts depuis juin 2024.
L’orge est dans un premier temps, soutenue par l’ensemble du complexe. Entre la hausse du maïs à Chicago qui profite aux céréales et le rebond des blés américain et européen, l’orge française gagne grâce à ces facteurs extérieurs 9 €/t. À cela s’ajoute également le regain de demande de l’origine française pour des chargements à destination du Maroc.
L’État marocain a en plus de cela au cours de la semaine annoncé la suspension des importations des céréales fourragères d’origine allemande en raison d’un début d’épidémie de fièvre aphteuse. Ce contexte favorable au dégagement français permet à la prime à Rouen de gagner au cours de la semaine + 3 €/t pour atteindre son niveau le plus haut depuis avril 2024 à –12 €/t.
À l’échelle mondiale, la demande chinoise sera déterminante pour la suite de la campagne au regard des disponibilités européennes, argentines et australiennes. À moyen terme, les opérateurs surveilleront également l’évolution des conditions de culture à la sortie de l’hiver dans l’hémisphère Nord.
Colza : trituration de colza en net retrait en Europe
La graine de colza Fob Moselle trouve son équilibre entre 510 €/t et 540 €/t depuis le mois d’octobre. Depuis la hausse des prix débutée à la fin du mois d’août, l’objectif du marché européen est double. D’une part, l’Europe a besoin de compter sur les importations de graines ukrainiennes, canadiennes et australiennes pour équilibrer son bilan. D’autre part, un rationnement de la demande en matière première est également nécessaire au cours de la campagne, faute de disponibilités.
Sur ce premier point, la fin de la récolte en Australie permettra aux flux vers l’Europe de se mettre en place. L’origine australienne pourrait être cependant concurrencée par un retour de la Chine aux achats. À défaut de pouvoir compter à court terme sur ce volume, le Canada pourrait prendre une place plus importante parmi les exportateurs d’huile et de graine. S’il est encore difficile d’émettre des conclusions en l’absence pour le moment d’accord définitif aux États-Unis, la mise en place de taxes à l’importation à l’encontre des produits canadiens de 25 % serait une perte d’envergure pour le Canada.
Ainsi, le canola et ses produits pourraient se retrouver à la recherche de nouveaux débouchés attractifs dont l’Europe pourrait faire partie. De plus, le rationnement sur la campagne de 2024-2025 devrait atteindre –1,5 million de tonnes par rapport à la précédente. L’objectif de trituration qui atteindrait 24,8 millions de tonnes est d’actualité. La trituration de graine en Europe a chuté en novembre et décembre 2024 sur ses niveaux les plus bas des dix dernières années pour ces mêmes mois à environ 1,5 million de tonnes, selon les chiffres de la Fediol. Depuis peu, l’huile de colza regagne en compétitivité à Rotterdam et pourrait de nouveau stimuler la demande au détriment d’un potentiel de hausse plus limité pour la graine.
Soja : Donald Trump, facteur perturbateur du complexe soja
Le marché des tourteaux de soja est en sursis pour des raisons fondamentales et géopolitiques. Pour commencer, la production de graine de soja au Brésil pose question, à l’heure où la récolte débute. Les pluies incessantes viennent freiner la progression des travaux.
Ces premières pourraient même atteindre un cumul anormalement élevé dans la plupart des régions productrices. Si pour le moment les institutions locales comme le National Supply Company (Conab) ou plus globale comme le département de l’Agriculture des États-Unis (USDA) ne se sont pas prononcées sur d’éventuelles pertes, les perspectives de production records à plus de 170 millions de tonnes peuvent être remises en question.
Il faut également mentionner que seulement 4 % de la sole ont pu être récoltées dans le Mato Grosso à la fin de janvier, soit près de 10 points de moins qu’en moyenne ces cinq dernières années. En Argentine, c’est à l’inverse la sécheresse qui vient perturber le cycle du soja depuis les semis. À ces facteurs limitant du côté de l’offre mondiale de soja viennent s’ajouter les incertitudes liées aux déclarations de Donald Trump.
Les exportations de graine, d’huile et de tourteaux de soja de la part des États-Unis sont menacées par les taxes à l’importation de 25 % que le nouveau chef du gouvernement américain souhaite mettre en place contre le Canada et le Mexique. La Chine pourrait également faire partie de la liste des pays concernés par ces mesures restrictives au travers d’une taxe de 10 %. Face à ces nombreuses incertitudes, le tourteau de soja reste stable au cours de la semaine à 372 €/t sur son contrat Spot délivré Montoir.
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